Contexte

En 2014, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a identifié Culebra (Porto Rico) comme une zone d’intérêt critique pour l’habitat afin de relever le défi croissant de la perte d’habitat côtier et marin en intégrant des projets de conservation de l’habitat. Des charges sédimentaires élevées menacent les habitats côtiers proches du rivage de Culebra, et la source de la grande majorité de ces sédiments est le réseau de routes en terre, car il ne bénéficie pas de pratiques de gestion appropriées. L’érosion des routes non pavées à Culebra contribue à l’apport de près de 400 tonnes métriques de sédiments sur la côte par an et a un impact considérable sur les écosystèmes côtiers environnants.

Les herbiers marins, les récifs coralliens et les écosystèmes associés de Culebra constituent un habitat et/ou une aire d’alimentation pour plus de 17 espèces répertoriées au niveau fédéral, notamment les tortues vertes et imbriquées et les sept coraux des Caraïbes répertoriés dans le cadre de l’Endangered Species Act (ESA).

Depuis 2013, Protectores de Cuencas (PDC) a mis en œuvre des pratiques de gestion des sources de pollutions telluriques (LBSP) vers la stabilisation de plus de 28 miles de routes non pavées à Culebra. En plus de l’effet chronique que les routes peuvent représenter avec l’apport de sédiments dans les eaux côtières de Culebra, des événements extrêmes comme les ouragans peuvent exposer ces écosystèmes à des conditions d’eau dégradées pendant une période prolongée (Figure 1).

Figure 1 : Route dégradée et écoulement de sédiments à Culebra (Copyright : PDC)

Les ouragans Irma et Maria ont traversé Porto Rico en 2017 et ont causé des dommages importants aux herbiers marins, aux récifs coralliens et aux mangroves. Par la suite, une évaluation des herbiers marins a été menée dans l’ensemble de Culebra pour quantifier l’ampleur et l’étendue spatiale des impacts sur les communautés d’herbiers marins dus aux ouragans. Cette évaluation a porté sur l’habitat des herbiers marins à Tamarindo et ceux des zones adjacentes. Une analyse SIG a été utilisée pour examiner l’extension spatiale avant et après les impacts des ouragans, et une vérification au sol après les ouragans a été effectuée en échantillonnant l’état écologique des herbiers. À Tamarindo, l’extension spatiale des herbiers marins a diminué de 27,6 % entre 2010 et 2017 (Figure 2).

Figure 2 : L’extension spatiale des herbiers marins avant (2010 – gauche) et après (2017 – droite) les ouragans dans une zone d’étude de 28 632 m² à Tamarindo. (Source: Hernández-Delgado et al. (2018))

Objectifs

L’objectif de ce projet pilote est de protéger et de conserver l’habitat des herbiers marins de la plage de Tamarindo en réduisant les menaces actuelles dues aux sources de pollution telluriques (LBSP) et à l’érosion qui entrainent des apports importants de sédiments et de nutriments au niveau des d’herbiers marins et récifs coralliens proches du rivage.

PDC a mis en œuvre une variété de meilleures pratiques de gestion pour lutter contre la LBSP et améliorer la qualité des eaux littorales pour l’habitat des herbiers.

Le site du projet est situé dans la réserve marine Canal Luis Peña, dans les zones littorales de la plage de Tamarindo, sur l’île de Culebra, à l’est de Porto Rico continental (Figures 3). Le projet s’est concentré sur les habitats d’herbiers marins situés directement à l’ouest de la plage de Tamarindo. Le projet proposé, a été mis en œuvre sur une période de 12 mois (août 2021-août 2022) par PDC.

Ce projet a complété un effort actuel dans la conception du projet et l’obtention des permis nécessaires, qui étaient les premières étapes vers la mise en œuvre des travaux à Tamarindo Beach. Le financement du Département des ressources naturelles et environnementales de Porto Rico (DNER) a permis au PDC d’organiser une réunion de lancement avec les principales parties prenantes afin de discuter du projet, d’achever la conception du projet et d’obtenir tous les permis nécessaires à la conformité environnementale. Le financement de Carib-Coast a fourni les moyens nécessaires pour la phase de mise en œuvre des bonnes pratiques de gestion et la restauration du littoral.

Figure 3 : Une carte de toutes les zones protégées (en vert) et des zones marines protégées (en bleu) à Porto Rico. L’emplacement du site du projet, la plage de Tamarindo, sur l’île de Culebra, est indiqué par la flèche rouge, et se trouve dans la réserve marine du Canal Luis Peña. (Source : Castro-Prieto (2019))

Principaux résultats

PDC a élaboré un projet de conception du site à restaurer qui comprenait les zones où des barrières végétales devaient être créées ainsi que l’emplacement et les spécifications des meilleures pratiques de gestion qui devaient être utilisées pour réduire les sources terrestres de pollution qui pénètrent dans les herbiers marins du littoral de Tamarindo Beach. La conception du projet se trouve à l’annexe I du rapport final.

Mise en œuvre des meilleures pratiques de gestion

PDC a acheté les matériaux et a terminé la mise en œuvre des meilleures pratiques de gestion à Tamarindo Beach. La municipalité de Culebra a fermé la plage de Tamarindo, afin que PDC puisse achever la stabilisation de la route d’accès pavée de la plage de Tamarindo, la stabilisation de la zone de stationnement perméable, la délimitation des zones d’accès public, l’installation de trottoirs de bois et la restauration de l’habitat côtier.

Restauration de l’habitat côtier

Trois espèces indigènes ont été choisies pour le reboisement de la zone côtière : la mangrove à boutons (Conocarpus erectus), le porcher (Thespesia populnea) et le raisinier bord de mer (Coccoloba uvifera). De plus, le vétiver a été utilisée car elle possède un système racinaire dense pour l’absorption des nutriments et la stabilisation du sol, elle peut vivre dans des sols à haut niveau de salinité et elle nécessite un entretien minimal. Le DNER et le service de conservation des ressources naturelles du ministère américain de l’agriculture ont approuvé l’utilisation de ces plantes.

Le PDC a planté un total de 650 plantes individuelles parmi les espèces suivantes : Conocarpus erectus, Coccoloba uvifera, Cordia rickseckeri, Tabebuia heterophylla, Thespessia populnea, Terminalia catappa et Guaiacum officinale (Figure 4).

Figure 4 : Restauration de l’habitat côtier à l’aide d’espèces indigènes à Tamarindo Beach, Culebra (Copyright : PDC)

Route d’accès pavée et aire de stationnement perméable

PDC et ses partenaires ont utilisé la conception du projet pour stabiliser la route d’accès à la plage de Tamarindo et pour créer le parking perméable (figure 5).

Une aire de rassemblement des kayaks a été incluse dans la conception. Le DNER a limité le nombre d’entreprises pouvant louer des kayaks et des équipements de plongée libre utilisés dans la zone, car il s’agit d’une zone de protection marine et parce que le nombre excessif de personnes louant des équipements occupait de grandes parties de la plage et empêchait le public de l’utiliser librement. Le conseil consultatif communautaire pour la gestion concertée de la réserve naturelle du canal Luis Peña a fait pression pour que les entreprises de location se déplacent vers une seule zone au lieu de s’étendre sur toute la plage.

Figure 5 : Le processus de développement du parking perméable à Tamarindo Beach

Délimitation des zones d’accès public

PDC a installé de nouveaux poteaux en bois (précédemment endommagés) et des trottoirs de bois pour guider les piétons vers la plage sans perturber l’habitat côtier existant et nouvellement planté (Figure 6).

Figure 6 : Les poteaux en bois précédemment installés et endommagés (à gauche) ont été retirés et remplacés par de nouveaux poteaux en bois et des trottoirs en bois (à droite).

Des visites de suivi pour assurer un entretien correct et évaluer la fonctionnalité

Le PDC a effectué des visites de suivi pour l’irrigation et l’entretien des travaux (Figure 7).

Toutes les mesures mises en œuvre, y compris l’aire de stationnement perméable, les trottoirs de bois, la route d’accès pavée et la délimitation à l’aide de poteaux de bois et de rochers, fonctionnent comme prévu. Le PDC a observé que les visiteurs de la zone utilisent le parking comme il se doit et ne marchent pas sur la végétation côtière. Ils utilisent plutôt les trottoirs de bois pour accéder à la plage.


ÉTUDE ÉCOLOGIQUE DES HERBIERS DE TAMARINDO

PDC a mené une étude écologique en juin 2022 pour évaluer l’état de l’herbier marin littoral en face de la zone de la plage de Tamarindo, y compris les organismes marins associés (macroalgues, éponges, invertébrés et espèces de poissons).

La méthodologie utilisée s’est basée sur le suivi Braun-Blanquet (Figure 7), développée pour évaluer l’abondance des herbiers et des macro algues, en utilisant des transects sous-marins. Ce relevé a été complété par des quadrats pour identifier les espèces d’herbiers et estimer leur couverture. Ensuite, une étude par plongeurs a été menée dans l’herbier et sur le récif corallien voisin afin d’identifier toute autre espèce d’herbier, de poisson ou d’invertébré dans la zone, ainsi que toute autre menace pour l’herbier.

Principales conclusions :

  • Herbiers marins : Dans l’ensemble, l’herbier de la plage de Tamarindo semblait être en bonne santé et était dominé par Thalassia testudinum, suivi par Syringodium filiforme, mais avec la présence de l’herbier Halophila stipulacea. Les deux premières espèces sont indigènes à Porto Rico, tandis que la troisième est une espèce invasive, connue pour prendre la place des espèces indigènes d’herbiers marins
  • Poissons et invertébrés : L’écosystème d’herbiers marins de Tamarindo sert de nurserie pour les espèces juvéniles de poissons de récif (y compris les espèces commerciales) ainsi que de zone d’alimentation pour les poissons et la tortue de mer verte (Chelonia mydas).
  • Menaces : Au cours des suivis de ce projet, faible sédimentation faible a été observée sur certains herbiers marins, qui ne semblaient pas avoir la même ampleur que ce qui avait été signalé en 2018 (Hernández-Delgado et al. (2018)). Des plaques de sable nues ont été notées et indiquent une perturbation de l’herbier par des sources externes (e.g, effets des dommages causés par les ouragans, l’ancrage et les débris, entre autres raisons). Ces perturbations sont des opportunités pour H. stipulacea d’étendre sa couverture et de concurrencer les espèces indigènes, d’où l’importance de réduire les perturbations qui causent des dommages mécaniques aux herbiers marins.

Les résultats préliminaires semblent indiquer une amélioration de la qualité de l’eau et une réduction des apports sédimentaires dans les herbiers marins, mais un suivi supplémentaire à long terme est nécessaire pour montrer les effets positifs des travaux réalisés pour mieux gérer les sources de pollution tellurique et restaurer les herbiers marins.

Figure 7 : Etude écologique d’un l’herbier à l’aide d’un transect sous-marin (Copyright PDC)

Ressources :

Rapport final des activités réalisées entre 2021 et 2022

Hernández-Delgado et al., 2018: https://www.drna.pr.gov/wp-content/uploads/2018/06/Culebras-seagrass-assessment-after-hurricane-Maria-SAM-compressed.pdf